Les jeux physiques sont morts : quand un disque n’est plus qu’un code brillant dans une boîte en plastique
Il fut un temps, pas si lointain, où acheter un jeu pour sa console signifiait une chose simple : on possédait réellement le jeu. On insérait le disque, on attendait une courte installation, et c’était tout. Aujourd’hui, une copie physique n’est bien souvent qu’un code d’accès glorifié enfermé dans une boîte en plastique.
Depuis la sortie surprise de The Elder Scrolls IV: Oblivion Remastered en avril, l’attente d’une version physique était forte. Mais la déception a vite pris le dessus : les joueurs découvrent que le disque nécessite un téléchargement massif, et qu’il est inutilisable sans connexion Internet.
Cela soulève une question évidente : à quoi bon fabriquer ces copies physiques, si elles ne contiennent rien d’autre qu’un code de téléchargement ? Pour les collectionneurs, les préservationnistes ou les simples nostalgiques aimant voir leurs jeux alignés sur une étagère, cela s’apparente à une trahison.
Du côté des éditeurs, rien ne change vraiment : le modèle économique reste le même. Mais depuis qu’Ubisoft a déclaré que “vous ne possédez pas les jeux que vous achetez, vous les louez simplement”, la notion de propriété d’un jeu vidéo n’a jamais été aussi floue.
Les jeux vidéo physiques existent-ils encore ?
La controverse ne date pas d’hier, et même les plus fervents collectionneurs, comme l’auteur de l’article original, en font les frais.
Le cas Oblivion Remastered dépasse la simple frustration : il remet en cause ce que le disque Blu-ray symbolise.
Acheter une copie physique impliquait autrefois une promesse : celle de posséder un objet complet et fonctionnel.
Qui n’a pas connu l’excitation d’ouvrir la boîte d’un jeu comme Knights of the Old Republic en 2003 ? Feuilleter le manuel, humer l’encre des CD… C’était une expérience tangible, un véritable artefact.
En 2024, les ventes de jeux physiques représentent moins de la moitié de celles de 2021, et la chute se poursuit depuis 2008.
Certes, le numérique apporte des avantages — possibilité de corriger et peaufiner les jeux après leur sortie —, mais cette flexibilité a ouvert la voie à des versions incomplètes nécessitant de lourds téléchargements pour fonctionner.
Résultat : lorsqu’un serveur ferme, un disque devient inutile. Ce n’est plus un jeu, juste un dessous-de-verre brillant.
Le problème de la préservation
L’un des principaux arguments en faveur du support physique a toujours été la préservation du jeu vidéo.
Encore aujourd’hui, on peut insérer une cartouche N64 ou un CD PS1 et revivre l’expérience originale.
Mais qu’en sera-t-il dans dix ans, quand un disque moderne nécessitera des serveurs disparus ?
Cette dépendance à Internet tue l’idée même de préserver le patrimoine vidéoludique. Les joueurs, historiens et moddeurs n’auront plus rien à étudier ni à restaurer.
Les éditeurs invoquent des raisons pratiques :
- les jeux sont plus volumineux que jamais,
- les Blu-ray ont une capacité limitée,
- et produire plusieurs disques coûte cher.
Mais derrière ces justifications se cache une logique simple : le profit.
Les ventes numériques sont plus rentables : pas de packaging, pas de transport, pas de revente d’occasion.
Disque contre copie physique
Pour les joueurs, le constat est amer :
- acheter en numérique, c’est ne rien posséder ;
- acheter en physique, c’est quand même devoir tout télécharger.
L’indignation autour d’Oblivion Remastered est donc légitime : les fans espéraient revivre la nostalgie du jeu original, pas acheter un faux disque vide.
L’ironie, c’est que tout le marketing des remasters joue sur la nostalgie — ce sentiment de tenir à nouveau un RPG culte entre ses mains —, mais la réalité ne suit pas.
Plus de manuels, plus de cartes papier, plus de stickers… juste une boîte creuse.
Vers la disparition totale du jeu physique ?
La Nintendo Switch 2 offrira une compatibilité avec les cartouches actuelles, ce qui laisse espérer un avenir physique au moins jusqu’aux années 2030.
Sony, de son côté, reste encore plus souple que Microsoft, bien que la PS5 Pro soit vendue sans lecteur de disque (à acheter séparément).
Peut-être que cette nostalgie du “vrai jeu” relève d’une résistance au changement, mais les joueurs ne demandent pas l’impossible : de l’honnêteté.
Si une boîte ne contient qu’un code de téléchargement, qu’on le dise clairement.
Des studios comme Limited Run Games prouvent qu’il existe encore une demande pour de vraies éditions physiques.
Et Final Fantasy VII Rebirth, livré sur plusieurs disques, montre qu’une solution hybride est tout à fait viable.
En fin de compte, cette question dépasse la technique : c’est une affaire de confiance.
Les joueurs achètent du physique pour la permanence, pour un lien réel avec leur passion.
Quand ce lien est rompu et que le disque ne sert qu’à télécharger un fichier, c’est tout le concept du support physique qui perd son sens.
Oblivion Remastered aurait pu être une déclaration d’amour à l’un des plus grands RPG jamais créés.
À la place, il symbolise une industrie qui préfère la commodité et les économies à la préservation et à la confiance du joueur.