Tous les deux ans environ, les esprits les plus créatifs de l’industrie du jeu vidéo inventent une nouvelle étiquette, une nouvelle variante ou même un tout nouveau genre pour créer la prochaine grande obsession des joueurs. Pensez-y : les soulslikes, les roguelikes, les metroidvanias — les clones de DOOM, par exemple. Cela remonte à longtemps, car les tendances sont évidemment faites pour être suivies. Parfois, un seul jeu marque tellement la communauté que son ADN de conception se répand plus vite que le Flood dans Halo. Mais sérieusement, combien de temps avant que nous soyons à court de « quelque-chose-like » ? Combien de développeurs connaissez-vous qui ont emprunté, affiné, redéfini, et parfois complètement réinventé chaque boucle de conception de jeu que vous pouvez imaginer ?
L’ère des « xyz-like »
Qu’il s’agisse des battle royales, de la montée récente — puis de la fatigue — des extraction shooters comme Escape from Tarkov et Hunt: Showdown, ou même de la popularisation de genres autrefois niches comme les deckbuilders et les survival sims : nous avons tout vu, et un peu comme s’il n’y avait plus de nouvelle mélodie à inventer en musique, il semble que le jeu vidéo soit en train d’épuiser les variations possibles. La grande question est donc : que vient ensuite ? Si l’histoire est un bon indicateur (et elle l’est souvent), la prochaine grosse tendance ne viendra pas d’Ubisoft ou d’EA, puisqu’ils jouent beaucoup trop la sécurité depuis, eh bien, deux décennies. Elle viendra probablement d’une idée étrange et brillante que les joueurs ne savaient pas encore vouloir. Ce qui nous amène à notre point : voyons où nous étions, où nous en sommes, et surtout quelle future tendance obscure pourrait s’imposer.
L’âge des « xyz-likes »
Pour nous, cela commence en 1993 — vous vous en doutiez — lorsque DOOM est sorti. Ce jeu a engendré une vague entière d’imitateurs : certains très proches, d’autres se contentant d’emprunter des principes fondamentaux. C’était la naissance des « clones de DOOM ». Des jeux comme DOOM, Dark Souls et Metroid/Castlevania n’avaient aucune intention de créer des sous-genres, ils étaient simplement si réussis que tous les développeurs ont pris des notes. Le terme soulslike a fini par désigner un combat difficile mais (en théorie) juste, une narration environnementale à la place des cinématiques, et des niveaux interconnectés. Metroidvania désignait un jeu d’action-plateforme avec une grande carte interconnectée, débloquée par de nouvelles capacités, souvent en 2D. Roguelike signifiait des runs à enjeux élevés avec méta-progression et réinitialisation après la mort. Chaque sous-genre est parti d’un seul jeu, inspirant une vague entière de titres suivant ses traces.
Mais la suite a été provoquée par les studios indépendants, incapables de rivaliser avec les budgets AAA. Ils ont dû mélanger les genres. Dead Cells a combiné roguelike et metroidvania. Hades a perfectionné ce modèle en y ajoutant une véritable narration. Ensuite, tout est devenu un « quelque-chose-like » : soulslike shooter, roguelike de ferme, metroidvania deckbuilder, etc.
L’épuisement du battle royale contre la fatigue de l’extraction shooter
Dans les années 2010, les shooters militaires dominaient, popularisés par Call of Duty. Puis est arrivé le battle royale. Fortnite a explosé, et soudain chaque shooter voulait sa variante : carte qui se rétrécit, loot abondant, dernier survivant. La boucle était idéale pour le live service. Ensuite, autour de 2020, les extraction shooters ont émergé. Escape from Tarkov est devenu très populaire, Hunt: Showdown et Dark and Darker ont apporté leur version. Le principe : entrer dans une zone, récupérer du butin, survivre et s’échapper vivant. La tension était la récompense. Chaque partie était unique. Les grands studios ont suivi : Call of Duty a créé DMZ, et des jeux comme The Finals ou ARC Raiders ont intégré ces mécaniques. Mais ce genre est difficile à maîtriser : équilibre risque/récompense, frustration, courbe d’apprentissage élevée.
Quelle sera la prochaine grande tendance ?
Paradoxalement, la prochaine grande tendance pourrait ne pas être liée à des mécaniques, mais à la communauté. Des jeux comme Helldivers 2, Palworld et No Man’s Sky ont montré que des expériences sociales basées sur la coopération (ou le chaos) peuvent captiver les joueurs pendant des mois sans boucle live service complexe. Les jeux où les histoires viennent des joueurs — Minecraft, GTA RP, Sea of Thieves — transforment les joueurs en créateurs de récit. Les développeurs construisent la scène, les joueurs écrivent l’histoire.
Les studios comme Rockstar, Bethesda et Hello Games commencent déjà à intégrer des systèmes favorisant la construction communautaire. Avec de meilleurs outils de modding et le cross-platform, nous pourrions voir émerger quelque chose comme le Storylike : pas basé sur un scénario écrit, mais sur une narration collective. Peut-être même l’Immersivelike : des mondes réactifs où l’importance est de vivre dans l’univers plutôt que simplement gagner ou progresser.
On en aperçoit déjà les signes dans la scène modding de Starfield, les systèmes de V Rising, la narration sociale de Baldur’s Gate 3, ou la survie systémique de Project Zomboid. Après une décennie de live service saturé et de grind forcé, les joueurs semblent vouloir autre chose : une expérience où l’on ressent une forme d’appartenance.
Peut-être que le prochain « -like » ne sera pas défini par sa mécanique, mais par un sentiment.
